Interactions dynamiques entre les protéines SR et la réponse aux dommages de l'ADN au cours de la résilience thérapeutique

Les protéines SR sont des régulateurs critiques de l'épissage constitutif et alternatif des pré-ARNm. Nous avons précédemment démontré que les protéines SR sont régulées à la hausse dans les CBNPC et les tumeurs pulmonaires neuroendocrines (Edmond et al., 2011 ; Gout et al., 2012). Ces données confirment le rôle des protéines SR dans la progression des tumeurs pulmonaires. Jusqu'à présent, les mécanismes moléculaires par lesquels ces protéines contribuent à la tumorigenèse pulmonaire restent largement méconnus. Nous avons récemment obtenu des résultats démontrant que la surexpression de SRSF2 favorise les cassures double brin de l'ADN dépendantes de la réplication/transcription et régule la réparation de l'ADN pour permettre la survie des lignées cellulaires de carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPC). De plus en plus d'études font état d'un lien entre les protéines de liaison à l'ARN et la signalisation des dommages à l'ADN pour contrôler la stabilité génomique. L'instabilité génomique augmente le taux de mutation des tumeurs et favorise leur progression. En outre, des études récentes ont proposé que l'instabilité génomique contribue également à l'échappement des tumeurs aux thérapies en augmentant les mutations. Dans cet axe, nous voulons mieux comprendre le rôle des protéines SR dans la réponse aux dommages de l'ADN liée à la résilience thérapeutique dans le CBNPC traité par des thérapies ciblées (telles que l'EGFR-TKI) en lien avec l'instabilité du génome. Dans ce contexte, nous voulons étudier la contribution des protéines SR aux différents processus de réparation de l'ADN (avec ou sans risque d'erreur) dans des cellules de CBNPC exposées aux thérapies ciblées. Pour répondre à nos objectifs, nous développons actuellement des outils cellulaires dérivés de diverses lignées cellulaires CBNPC dans lesquelles les protéines SR seront soit neutralisées, soit surexprimées. Les conséquences de la modulation des protéines SR dans la réponse ou l'échappement du CBNPC aux thérapies ciblées seront évaluées.

Cibler la machinerie d’épissage pour contrecarrer la résistance à la chimiothérapie

L’épissage constitutif et alternatif des transcrits est une étape clé de la régulation de l’expression génique qui contribue à la diversité protéique. Ces dernières années, le développement d'études à haut débit utilisant soit des puces exon soit le séquençage du transcriptome complet (ARN-seq) a établi un lien entre la dérégulation de l'épissage alternatif des transcrits et le cancer. De nombreux travaux ont ainsi montré que les épissages associés au cancer contribuent à la progression tumorale en modulant notamment la prolifération cellulaire, le métabolisme et l'angiogenèse. Outre son rôle dans la promotion de l'initiation et/ou du maintien de la tumeur, la dérégulation de l’épissage des ARNs contribue à la résistance (primaire ou secondaire) aux traitements anti-cancéreux Cependant, il s'agit encore d'un domaine émergent avec peu d'exemples décrits à ce jour, notamment dans le cadre de résistances acquises. Certaines études soutiennent fortement l'idée que les inhibiteurs du spliceosome (machinerie d’épissage) pourraient être des médicaments cibles moléculaires prometteurs utilisés seuls ou en combinaison avec des thérapies conventionnelles/ciblées. Cependant, les mécanismes moléculaires entretenant leurs effets restent à élucider.Chez les patients porteurs de carcinomes bronchiques non à petites cellules (CBNPCs) ne présentant pas de mutations activatrices ciblables, la chimiothérapie à base de sels de platine (cisplatine, carboplatine) demeure l’une des pierres angulaires du traitement en association ou non avec les immunothérapies. Cependant, même chez les 30% de patients répondeurs, l’efficacité du traitement reste limitée par l’apparition récurrente de résistance. Nous avons montré que certains inhibiteurs de la machinerie d’épissage induisent la mort de cellules cancéreuses pulmonaires présentant une résistance acquise à la chimiothérapie (sels de platine). En utilisant des approches classiques et analytiques en culture 2D et 3D ainsi que des analyses globales de séquençage d’ARN, nos objectifs sont de comprendre les mécanismes moléculaires mis en jeu dans la réponse anti-cancéreuse induite par les inhibiteurs de la machinerie d’épissage (impliquant ou non des modifications de l’épissage de certaines protéines cibles) et d’identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques. 

Reprogrammation de l’épissage des ARN et résistance acquise aux EGFR-TKI

En dépit d’un taux de réponse élevé, la résistance aux inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase (ITK) de l’EGFR est un phénomène inéluctable survenant en moyenne après 9 à 20 mois de traitement malgré le développement de différentes générations d’ITK de l’EGFR. La caractérisation des mécanismes de résistance est un enjeu majeur pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques et prolonger la survie des patients.

Des études récentes montrent que des modifications de l’épissage des transcrits peuvent jouer un rôle dans la résistance aux thérapies ciblées anticancéreuses. Pour tester l’implication de modifications de l’épissage dans la résistance acquise des tumeurs pulmonaires aux ITKs de l’EGFR, nous avons généré ou obtenu par collaboration (A. Maraver, Montpellier) des cellules tumorales pulmonaires avec une résistance acquise aux ITK de l’EGFR de 1ère, 2ème ou 3ème génération. Par des techniques de séquençage de l’ARN et d’analyse bioinformatique (coll. D.Auboeuf, ENS, Lyon) nous avons mis en évidence des profils d’épissage distincts entre les cellules parentales sensibles et les cellules résistantes. Nous avons montré que l’accumulation de l’isoforme b d’ATG16-L1 dans les cellules résistantes inhibe l’autophagie et prévient par ce biais l’induction de l’apoptose en réponse au traitement par les ITK de 1ère et 2ème generation (Hatat AS et al Mol.Oncol. 2022). Plus récemment nous avons identifié un autre variant d’épissage dont l’accumulation pourrait être un mécanisme de résistance commun à toutes les generations d’ITK de l’EGFR en inhibant l’apoptose induite par ces drogues. Nous utilisons des modèles de culture cellulaire 2D et 3D et des xénogreffes chez la souris (Coll. D.Decaudin, Curie, Paris) pour étudier les mécanismes moléculaires impliqués dans cette résistance et identifier de nouvelles stratégies thérapeutiques. Nous avons aussi développé la technique de RNA BaseScope pour étudier l’expression de ce variant d’épissage sur des biopsies tumorales humaines appariées (avant/après traitement) provenant de patients traités par les ITK de l’EGFR.

Les ARNs circulaires (ARNcirc) : leur rôle dans la résistance au traitement

Les ARNs circulaires (ARNcirc) appartiennent à une nouvelle catégorie d’ARNs majoritairement non codants. Ils sont le fruit d’un épissage particulier, appelé rétro-épissage (backsplicing), dans lequel les extrêmités 3’ et 5’ des exons voir des introns sont jointes de manière covalente, donnant naissance à une boucle ininterrompue. De part leur circularité, ces ARNcirc sont plus stables que les ARN linéaires car moins sujets à la dégradation par les RNAses. Ces dernières années, leur rôle dans l’initiation et la progression des cancers ainsi que dans la réponse aux traitements a émergé, mais les mécanismes moléculaires impliqués restent largement méconnus. De façon importante, au niveau clinique, les ARNcirc apparaissent aussi comme des biomarqueurs prometteurs pour le diagnostic et le pronostic des cancers du fait de la possibilité de les détecter dans les biopsies liquides, via notamment leur capacité à être sécrétés dans les exosomes.

Chez les patients porteurs de carcinomes pulmonaires non à petites cellules (CBnPCs) ne présentant pas de mutations activatrices ciblables, la chimiothérapie à base de sels de platine (cisplatine, carboplatine) demeure l’une des pierres angulaires du traitement en association ou non avec les immunothérapies. Cependant, même chez les 30% de patients répondeurs, l’efficacité du traitement reste limitée par l’apparition récurrente de résistance. Nous avons développé différents modèles cellulaires de tumeur pulmonaire avec une résistance secondaire aux sels de platine et avons identifié par une approche de séquençage de l’ARN différents ARNcirc qui sont surexprimés dans les cellules résistantes par rapport aux cellules sensibles. Nous combinons des approches de culture 2D et 3D pour (1) caractériser les mécanismes moléculaires par lesquels les ARNcirc identifiés contribuent à la résistance à la chimiothérapie; (2) étudier l’impact des ARNcirc exprimés par les cellules tumorales sur certaines cellules du microenvironnement tumoral en utilisant les fibroblastes et les macrophages comme modèles d’étude. Nous avons développé la technique de ddPCR pour quantifier l’expression de ces ARNcirc dans des exosomes purifiés à partir de plasmas de patients ayant été traités aux sels de platine et pour lesquels la réponse clinique est connue. Ceci nous permettra de tester le potentiel de ces ARNcirc en tant que biomarqueurs prédictifs de réponse au traitement.